mercredi 26 mai 2010

En silence, nous parcourons le chemin du souvenir.
Et d’abord, la crainte. Celle de ne pouvoir partager la douleur. L’inconfort d’être ensemble quand je voudrais la solitude. Mais je ne sais alors pas encore que pour supporter l’horreur j’ai besoin de nous.
Non, à cet instant, j’ai comme le besoin de me nourrir d’une souffrance coupable, de ressentir, de macérer la douleur au plus profond, de la porter, seule, pour espérer un instant seulement comprendre.
C’est ça. Souffrir pour comprendre. Mais je ne sais pas encore.
Souffrir pour les faire revivre, toi, mamie Cyla, vous, nous, les millions d’êtres humains.
Nous marchons dans les allées.
A chaque fil barbelé, c’est l’homme qui devient monstre.
La gorge nouée peut faire sortir les larmes, elle garde le goût acre des camps.
Nous rentrons dans un block. Je me perds devant autant de visages sur les murs.
Je pleure ma grand-mère et les millions d’êtres humains.
Je pleure l’homme déporté et je hais l’homme nazi.
Je ne sais plus.
« Nous sommes de la race de ceux qui sont brulés dans les fours crématoires, nous sommes aussi de la race des nazis. » écrivait Marguerite Duras.
Je ne sais plus. Seule. Je n’y arrive plus. Et je vous vois.
« La seule réponse à faire à ce crime est d’en faire un crime de tous. De même que l’idée d’égalité, de fraternité. Pour le supporter, partager le crime. »
Je crois comprendre Duras.
Et je vous vois.
Et je comprends qu’ensemble nous portons l’Histoire.
Et je comprends que j’ai besoin de vous.
Nous déposons des fleurs.
Nous nous prenons les mains.
Et en silence, nous faisons mémoire.
Ensemble, à Birkenau, nous continuons à vivre.
Et alors je comprends. Tout fait sens.
Nous ici, je comprends, et plus tard, je comprends, quand Pierrick chante la fraternité et que Ginette danse le tango, quand il pleut averse à Cracovie et que je ris sous mon parapluie, quand nous mangeons, buvons, rions je comprends.
Je comprends qu’ensemble nous avons fait le voyage de la vie, le voyage de l’Homme.
Alors,
Merci Ginette,
Merci les petits frères des Pauvres,
Merci à nous.

Johanna Baché.


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